2015 : une année qui commence par les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercasher et qui se termine par des élections régionales aux allures de suicide démocratique. Une année au cours de laquelle la musique, habituellement défouloir collectif tout autant que refuge où soigner ses bleus à l’âme, s’est retrouvée un soir de novembre la cible d’une idéologie fasciste et déshumanisée. Une année à la bande-son forcément hédoniste.
Tame Impala – Currents
Ayant introduit des ingrédients plus disco à son rock psychédélique, l’australien Kevin Parker – l’homme derrière les partitions, les crayons, la console de mixage, la guitare, la basse, la batterie et les synthés de Tame Impala – décroche la timbale dans pratiquement tous les classements de cette fin d’année, et c’est mérité. Currents est ainsi truffé de tubes planants et dansants à la fois, que sa voix haut perchée patine d’une dimension érotique indéniable. Et puisqu’on parle d’érotisme, il nous offre en plus le clip de l’année avec The Less I Know The Better, un hymne adolescent digne des Bee Gees.
New Order – Music Complete
Les vétérans de la techno-cold-wave en ont encore dans la boite à rythme ! Inégal et schizophrène – le cortex gauche dans les friches industrielles, le droit sur le dance floor -, Music Complete n’en reste pas moins un album parfaitement dans l’air du temps, oscillant entre le meilleur de l’electro-pop et le rock indé le plus sophistiqué. On pardonnera d’autant mieux à Barney et sa bande, amputée d’un Hooky boudeur qui joue tout seul dans son coin en maugréant, les fautes de goût qui jalonnent l’album, qu’elles font ressortir l’excellence des Restless, Academic et autre Nothing But A Fool, le tout emballé dans l’une des plus belles pochettes de la décennie.
Courtney Barnett – Sometimes I Sit And Think, And Sometimes I Just Sit
L’australienne confirme en beauté les espoirs placés en elle avec son premier album, A Sea Of Split Peas, paru en 2013. Son flow un peu branleur hypnotise, son storytelling émeut, sa guitare va à l’essentiel, ses mélodies font mouches : il ne faut pas longtemps avant d’avoir envie d’en faire sa meilleure amie et de parcourir avec elle les coins paumés qu’elle illumine d’une historiette ou d’un crobard. Avec un ratio tube-tape-dans-tes-mains/remplissage largement positif, Sometimes I Sit … est le disque à roadtrip par excellence. En route !
Django Django – Born Under Saturn
Dans le genre barré, le groupe anglo-irlando-écossais avait frappé fort avec son premier album éponyme sorti en 2012 : un truc inclassable, à la fois pop, surf, world, psyché, folk, prog, trip hop …, bref, du rock de Marsupilami. Born Under Saturn engage clairement un virage vers une pop plus formatée, sans pour autant perdre en créativité, une sorte de Alt-J sous acide. Le plus gros changement pour nous, c’est qu’on peut maintenant siffloter du Django Django sous la douche et les croiser en boite. Pour Django Django, fini les salles confidentielles, direction les stades !
Albert Hammond Jr – Momentary Masters
Né avec un médiator en argent dans la bouche, Junior ne sait pas faire grand chose d’autre que du rock. Orphelin du groupe-qui-a-réinventé-le-rock&roll au début du nouveau millénaire, il n’a donc pas d’autre choix que de poursuivre en solo une carrière jusque là en filigrane mais qui prend de l’ampleur avec ce 3e album. Pour ce qui est des blouson en cuir, stratocaster, riff tranchant et batteur maigrichon, rien ne manque. C’est du côté de la voix qu’il faut voir une assurance nouvelle, une personnalité mieux assumée, un genre de Michael Stipe chantant The Strokes, pour notre plus grand bonheur. Vivement la suite.